Papa ? Pourquoi est-ce-que je n’ai pas de maman ? Yan Roosvelt espérait qu’il n’aurait jamais à répondre à cette question. Certes, il savait parfaitement qu’il ne pourrait pas l’éviter éternellement mais il aurait préféré repousser ce moment le plus tard possible. Quoi qu’il en soit, il n’avait plus le choix désormais.
- Ecoute ma chérie, toi et moi, on est des gens exceptionnels, tu le sais, on est des sorciers. Ta maman, elle n’était pas exceptionnelle.
- Tu veux dire qu’elle était une moldue, c’est ça ?
- Oui, voilà. Toi, tu es intelligente, tu es douée, tu auras un avenir extraordinaire. C’est pour ça qu’il fallait que je te garde avec moi, juste avec moi. Elle est faible. Elle ne t’aurait rien apporté. Et dans notre monde, le plus important, c’est d’avoir des parents sorciers. De faire partie de ceux qu’on appelle les sang-purs.
- Les quoi ?
- Les sang-purs. Les gens les plus puissants et les plus influents au monde. Ce sont eux les meilleurs et toi, toi tu en fais partie. Ne parle jamais de ta mère a qui que se soit. Personne ne doit savoir qu’elle est une simple moldue, sinon, tu ne seras jamais la meilleure, d’accord ?
- Oui papa. Je veux être comme toi. Puissante.
C’est ainsi que pour la première fois, père et fille parlaient de la mère biologique de Juliet. Cette dernière aimait son père, elle l’aimait plus que tout au monde. Il était le seul qui avait de l’autorité sur elle, le seul qu’elle écoutait. Elle le considérait comme son modèle et voulait qu’il soit fier d’elle. C’est pourquoi elle a toujours caché à tout le monde qu’elle était une sang-mêlé, elle avait toujours vécue comme une sang-pur, toujours.
Depuis son arrivée à Poudlard il y a deux ans, Juliet s’était fait un tas d’ennemis et il faut dire qu’elle aimait ça, être détestée. C’est probablement la raison pour laquelle elle a laissé Noah se rapprocher d’elle. Au départ, ce n’était qu’un jeu, elle ne le supportait tout simplement pas et aimait beaucoup cette animosité entre eux. Mais plus le temps passait, plus elle s’attachait, Ju’ commençait même à se demander si elle ne s’était pas trompée sur lui.
Le ciel devenait de plus en plus sombre. La lune régnait sur son beau et dangereux royaume. Un vent frai soufflait sur les arbres du parc dont on entendait les feuilles voler. L’automne s’était belle et bien installé. Juliet aimait se promener dans la fraicheur nocturne. Le calme de la solitude… quoi que ce soir là, elle entendit un bruit, s’arrêta et écouta. Il s’agissait du bruit des graviers lorsqu’on marchait, quelqu’un d’autre était là. Elle continua son chemin, pas plus surprise que ça. Elle s’approchait du portail d’entrée du terrain de Quidditch quand une ombre surgit de derrière un arbre. Prise par surprise, la jeune fille sursauta et l’ombre prit la parole :
Excuse moi, je t’ai fait peur… C’est moi, Noah ! Voyant que la belle restait impassible, il lui prit les mains et lui demanda :
Qu’est-ce-que tu fais dans le parc, en pleine nuit, seule ? Il mit son bras autour de sa taille et tous deux continuèrent à marcher, en silence. Après plusieurs minutes, ils rentrèrent au château et une fois arrivés dans leur salle commune, Noah s’approcha d’elle, lentement, lui embrassa la joue puis s’en alla. La jeune fille ne savait pas trop quoi penser. D’une part, cette animosité entre eux puis d’autre part, leur proximité grandissante. Et si ils tombaient amoureux… Rien que d'y penser, elle frissonnait. Elle se rendit dans son dortoir, alla se coucher, ferma ses yeux et essaya de ne plus penser à Noah.
Deux jeunes filles étaient assises face à face sur un très confortable lit à baldaquin couvert d’un drap vert et argent. Entre Jules et Juliet flottait un tas de parchemin auquel elles mirent feu. Quand le dernier millimètre de parchemin fut transformées en cendre, elles éclatèrent d’un rire machiavélique et tapèrent l’une dans la main de l’autre en signe de victoire.
Une trentaine d’élèves venaient de prendre place dans la salle de classe. Le professeur de défense contre les forces du mal entra par la porte du fond, avança rapidement vers le devant de la classe et dit, d’une voix forte et plutôt effrayante :
Les blagues les plus courtes sont les meilleures n’est-ce-pas ? Après que quelques élèves eurent hoché la tête de haut en bas, il reprit.
Vous avez une heure pour faire réapparaitre toutes les copies de l’épreuve écrite de la semaine dernière sur mon bureau. J’ai bien dit toutes les copies, toutes, sans exception. Et au cas où les chers blagueurs douteraient de mon autorité, vous allez tous repasser ce test. MAINTENANT ! L’heure passée, les filles sortirent de la salle de cours. Elles savaient toutes deux que leur professeur savait qui était les coupables et connaissait également leur motivation, mais il n’avait pas la moindre preuve et ne pouvait donc pas les accuser. C’est leur capacité à effacer les preuves qui faisait la force des deux demoiselles, elles le savaient et n’hésitaient pas à faire tourner tout le monde en bourrique pour leur plaisir personnel.
Les vacances s’annonçaient mouvementé pour la jeune sorcière. Quelques jours plus tôt, Juliet avait croisé un grand brun dans le couloir. Elle ne l’avait jamais vu, ou peut-être remarqué avant. On lui avait dit qu’il était un cousin éloigné de la fille Arlingthon, d’ailleurs Juliet n’arrivait toujours pas à se souvenir de son prénom, Katy ? Kate ? Non ? Tant pis, de toute façon, elle avait abandonné l’espoir de pouvoir échanger ne serai-ce que trois mots avec cette idiote. Bref, ce garçon était très proche de la famille Arlingthon et Ju’ savait très bien l’influence qu’elle avait. Elle s’était mise en tête de séduire le jeune homme histoire de pouvoir se rapprocher d’eux, des contacts avec cette famille ne pouvaient lui être que bénéfiques. Les vacances de noël durant lesquels, la plupart des élèves rentraient chez eux seraient, lui semblait-elle, le meilleur moment pour une tentative d’approche. Il était plutôt studieux comme garçon et passait beaucoup de temps à la bibliothèque, autant vous dire qu’il ne s’agissait pas du lieu de prédilection de la belle, mais ce fut bien là-bas qu’elle le rencontra. Juliet venait de s’installer à une table, une pile de bouquins historiques à ses côtés. Quitte à devoir lire, autant lire des choses qui lui seraient un minimum utiles, c’est-à-dire, entre-autre, l’histoire du Ministère. Après une bonne heure de lecture, Ju’ saisit sa pile de livre, bien décidée à les remettre dans leur rayon, quand elle vit le jeune garçon qu’elle attendait comme le messie. Elle continua donc à avancer, fixant le sol, jusqu’à lui rentrer dedans. A cause du choc, tous les livres s’étalèrent au sol et en bon gentleman, il se dépêcha de les ramasser et de les tendre à la jeune fille. Leurs regards se croisèrent et Juliet lui fit son légendaire sourire d’ange, auquel on ne pouvait résister.
Ils passèrent le reste des vacances scolaires ensemble parlant de ci, de ça. Juliet avait l’impression qu’elle plaisait beaucoup au jeune homme. Quant à elle, elle le trouvait plutôt cool. Leur relation se passait très bien, jusqu’au retour de tous les vacanciers. Quelques jours après le début des cours, il vint la voir. Il avait l’air préoccupé mais elle n’y fit pas plus attention que ça. Inutile de vous décrire sa surprise lorsqu’il lui annonça qu’il ne voulait pas qu’il y ait quoi que se soit de plus entre eux.
Tu comprends, dit-il.
On m’a parlé de toi, en mal. Je ne sais pas si je devrais le croire mais je ne veux pas prendre le risque. Je suis désolé. On reste ami ? termina-t-il avec un sourire qui donna à Juliet l’envie de lui jeter un sort mais elle se contenta, sagement, de lui renverser son verre de jus de fruit sur la tête. Rester amis ? Mais pour qui il se prenait ? Jeter, parce que c’est certainement le terme qui convient le mieux à cette situation, jeter Juliet, la belle et intelligente Juliet Roosvelt, comme ça et en plus lui demander de rester son ami ! Il le lui paierait… cher.
Juliet n’était pas le genre de fille à être habituée à être rejetée. Les mecs, c’était son truc, elle savait s’y prendre. Elle savait très bien que sa réputation était la seule et unique cause de sa dispute avec ce parfait crétin. Elle n’était pas le genre à se laisser marcher sur les pieds et décida de lui prouver qu’elle était une fille très bien et que sa réputation était totalement injustifiée. Elle choisit de se comporter en petit ange pendant quelques temps. Juliet arrêta ses petits coups bas, arrêta de traumatiser les autres, arrêta toutes les activités peu conventionnelles auxquelles elle s’adonnait avant, pour ainsi dire presque toute, pour se concentrer sur son nouveau but : être gentille avec tout le monde, même les née-moldus. Après quelques semaines, il revint la voir.
Juliet, je voudrais m’excuser pour… enfin pour ce que je t’ai dit après les vacances. J’ai peut-être porté un jugement trop hâtif et j’ai eu tort. Tu veux bien me laisser une seconde chance ? La belle fit mine d’y réfléchir, jouissant intérieurement d’avoir réussi à le manipuler ainsi - après tout, ce qu'on lui avait raconté n'était rien de moins que la vérité, et malgré tout, il revenait à ses pieds... en rempant - et lui répondit en le serrant dans ses bras, un sourire satisfait sur les lèvres. Si seulement il savait ce qu’elle avait derrière la tête… Ils restèrent ensemble pendant près de deux mois. Jour après jour, le jeune homme tombait de plus en plus amoureux d’elle tandis qu’elle, préparait une vengeance de plus en plus ignoble. Elle avait tout prévu : elle le quitterait et ferait en sorte qu’il la voit embrasser Noah un peu plus tard. Il aurait tout ce qu’il méritait : le cœur brisé.
Juliet marchait lentement dans le couloir du troisième étage. Elle semblait particulièrement préoccupée en ce début de soirée et pour cause… Elle avait croisé Alcide dans un couloir tôt ce matin et elle le savait mieux que quiconque, on ne le croisait jamais par hasard. Il semblait relativement calme et ne lui chuchota qu’une seule phrase : 20h ce soir, dans la salle habituelle, il faut qu’on parle. La jeune femme ne savait pas de quoi il serait question mais était certaine qu’il ne s’agissait pas d’une bonne chose. Aussi, de nombreuses questions se bousculaient dans son esprit et elle n’avait pas la moindre réponse pour l’éclairer dans l’antre obscure qu’était son cerveau à présent. Elle s’arrêta. La porte qui lui faisait face s’ouvrit en grinçant. Elle alla s’assoir autour de la table ronde qui trônait au centre de la pièce. Dans la cheminé, un feu brulait et à côté de la source de chaleur se tenait un jeune homme aux bras croisés sur son torse. Il semblait perdu dans ses pensées. Lorsque toutes les chaises furent occupées, il prit place à son tour.
Mes amis. Il fit une pause et regarda chacun d’entre eux, l’un après l’autre avant de reprendre.
Depuis plusieurs jours, les rumeurs concernant notre league enflent. Vous savez aussi bien que moi que cela ne nous apportera rien de bon. Nous devons les faire taire au plus vite, c’est pour cette raison que nous sommes réunis en cette belle soirée ; il est temps d’élaborer notre plan de bataille. Notre objectif ? Terroriser tout le monde. Plus personne ne doit oser parler de nous, plus un seul mot. Très chers amis, des propositions ? C’est avec un sourire sournois au coin de la bouche que Juliet retourna à son dortoir. La league allait mal, certes. Mais d’un côté, cela l’arrangeait bien. C’était une bonne occasion de semer le trouble dans le château, son activité favorite depuis plusieurs années. De petits fouineurs mettaient leur nez là où il n’avait rien à faire ? Il allait le regretter. Bref. Alors qu’elle avançait, souriante et d’une bonne humeur malsaine dans les couloirs du château, elle vit Jules. Jules O’Connor. Elle riait, parlant à une autre fille. Juliet se crispa, une boule lui descendit au ventre. Elle continua à avancer, comme si de rien n’était, descendit au sous-sol et une fois dans son dortoir, donna violemment un coup de pied dans son lit à baldaquin. Comment la fille qui fut sa meilleure amie pouvait-elle être devenue cette fille-là ? C’était tout simplement impossible, insensé. Il faut dire que depuis le changement de caractère aussi brusque, qu’incompréhensible de sa Bonnie, les ardeurs de Juliet à semer la zizanie dans le château furent un peu refroidies. Beaucoup refroidies. Désormais, elle passait son temps à imaginer des plans, plus loufoques les uns que les autres, qui avaient tous le même but : montrer à Jules qui elle était vraiment. Lui faire prendre conscience qu’elle n’était pas cette fille modèle, qu’elle ne pouvait pas être comme ça. Cette fois-ci, Juliet décida que si le temps ne ralliait pas Jules à sa cause, elle s’en occuperait elle-même. Coûte que coûte.
Le soleil n’était pas encore levé. La lune régnait toujours sur le ciel anglais, sombre et sans le moindre nuage. Juliet sauta de son lit, enfila sa robe de sorcière et alla s’assoir dans la salle commune, devant le feu qu’on venait d’allumer dans la cheminé. Elle revue son plan une dernière fois, histoire d’être parfaitement certaine que tout fonctionnerait. Après des années de pratique, elle connaissait toutes les erreurs à ne surtout pas commettre. Elle était devenue une professionnelle dans ce domaine. La salle commune commençait à se remplir, l’heure était venue d’y aller. Elle se rendit dans le placard à balai du premier étage et but l’horrible potion qu’elle avait gentiment empruntée au professeur de potion et qu’on appelait communément polynectar. Rapidement, elle sortit un miroir de sa poche et se regarda. Parfait, elle ressemblait parfaitement à cette idiote de gryffondor dont elle n’arrivait pas à se souvenir le nom. Bien, pensa-t-elle. Et c’est parti !
Arrivée à la tour que les griffons partageaient avec les aigles, Juliet se faufila rapidement à travers la porte alors qu’un flot d’étudiants sortaient pour se rendre en classe. Une jeune fille s’arrêta et l’interpela : - Je croyais que tu t’étais déjà rendue au cachot ? Juliet la regarda, surprise, et répondit : - Euh oui, effectivement mais j’ai… oublié quelque chose. – Oh très bien, je t’attends alors ! lui répondit la jeune serdaigle avec un énorme sourire qui aurait dégoûté n’importe quel serpent. - Non, non, non ! Toi, tu y vas ! s’exclama rapidement Juliet, avant de disparaitre dans l’escalier. Comme elle l’avait prévu, elle était seule dans le dortoir. Toutes les autres filles avaient filé en classe. La jeune demoiselle fit apparaitre de magnifiques écharpes aux couleurs de sa maison, ainsi qu’une quantité incroyable de ballons verts et argent. Elle décora toute la partie du dortoir qui correspondait à l’espace de Jules, aux couleurs des Serpentards. Une quinzaine de minutes de travail acharné et un album photos sous l’oreiller plus tard, elle jugea qu’elle en avait assez fait et quitta les lieux, fière d’elle.