« N'est-on jamais resté émerveillé face à la beauté d'une aube nouvelle ? Le grand Hélios reprenant ses droits sur la Terre. Sa lumière éclatante éblouissant peu à peu l'air et son paysage. L'éveil des oiseaux et de leur chant enjôleur. L'espoir de voir en cette nouvelle journée se réaliser alors tous les désirs que nous avions secrètement formulés la veille. Tout aussi simple que la magie. Elle séduit les yeux autant qu'elle entretient l'âme. Elle résout le malheur et rythme la vie des sorciers encore dans l'ombre. Mais elle ne guérit pas tous les maux. Moi, il y a bien longtemps que l'aube n'émerveille plus mon regard. Depuis bien longtemps, le couchant du soleil a assombri ma vision et ce, à tout jamais. Je ne connais plus la lumière mais j'ai connaissance de l'âme. I'm Blind. »

« Mister Sven Lindgren, vous ne m’aurez pas cette fois ! Ce sera Claes un point c’est tout. » « Ma chère Lovisa, imaginez la joie de votre fils quand il apprendra qu’il porte le prénom de son paternel. Un junior de plus dans la famille. » « Je refuse ! » Et ainsi se poursuivait la gentille querelle entre le jeune couple Lindgren alors que l’épouse avait mis au monde leur deuxième fils il y a quelques heures à peine. Cette naissance mettait fin à une longue grossesse remplie de rebondissement et de frayeurs. Cette clinique sorcière était certainement le lieu qu’elle avait le plus visité durant ces derniers mois, mais à présent tout allait bien dans le meilleur des mondes. Mrs Lovisa redoutait déjà de voir leur fils leur en faire voir de toutes les couleurs. Cependant à la vue de la bouille sage et apaisée du bébé, elle se demandait encore comment elle avait pu vivre neuf mois aussi éreintants. Pourtant, elle n’en était plus à son coup d’essai. En effet, voila déjà plus de dix années que les deux jeunes gens s’aimaient et avaient scellé leur union. Un premier fils, Anders, avait alors agrandi la famille, 6 ans plus tôt, faisant alors de Claes le cadet de la famille. Lindgren était un nom assez reconnu dans la région extrême-sud de la Suède, représentant une des plus anciennes familles qui depuis lors, avait bien prouvé leur supériorité et leur richesse. Bien sûr, aux yeux de tous, cette particularité était unique. Au monde sorcier en revanche, Lindgren évoquait alors une longue lignée de sang-pur que chacun des ancêtres s’était efforcé de conserver. Mais aujourd’hui, la magie pouvait bien connaitre un tournant sombre ou un évènement des plus extraordinaires, les Lindgren étaient bien trop concentrés sur leur progéniture pour se préoccuper de l’extérieur. Alors qu’ils poursuivaient leurs chamailleries ponctuées de quelques rires attendris, un petit garçon ronchon ouvrit la porte de la chambre pour annoncer alors l’arrivée du médecin d’une voix fatiguée et lasse. De toute évidence, Anders n’avait pas apprécié d’être privé de ses amis toute une journée pour assister à la naissance d’une créature bruyante qui le rayait de la liste du petit dernier tout chou de la famille. Ainsi, un grand homme blond au visage concentré prit place dans la grande chambre avant d’observer les parents qui attendaient ses paroles comme le messie. « Mrs et Mr Lindgren. Je dois vous annoncer quelque chose. » Le médecin expliqua alors la situation le plus calmement et professionnellement possible. Au fur et à mesure qu’il parlait, le visage des heureux parents se décomposait dans une expression d’incompréhension et de panique. On aurait même pu remarquer une larme couler sur la joue de la mère alors qu’elle jetait un regard inquiet à son mari, perdu dans des suppositions horribles. Après un bref salut, le docteur et accessoirement sorcier sortit de la pièce en silence, bientôt rattrapé par le grand frère qui tira sur sa blouse, le regard interrogateur : « Vous voulez dire qu’un jour mon petit frère ne verra plus ? » D’une voix désolée, le médecin se mit à sa hauteur avant d’acquiescer. « Il est un peu différent, oui. A ton âge, il aura certainement besoin de son grand frère car il deviendra bientôt aveugle. »

Le néant. Toujours le même rêve, quelques bribes de souvenirs. La soirée avait été des plus douces si toutefois on considérait comme douce la fraicheur des campagnes Suédoises. Les Lindgren avaient alors décidé de diner à la belle étoile, en pleine nature, avec Anders et Claes, respectivement âgés de 12 et 6 ans. Installés sur l’herbe verdoyante, sous la lumière du soleil qui déclinait lentement laissant prévoir la venue lente de la Dame nuit, les parents discutaient entre eux, jetant de temps en temps quelques coups d’œil protecteurs à leurs fils qui se chamaillaient plus loin. Autour d’eux, différents aliments et sucreries apparaissaient naturellement dans un simple geste de leur baguette. Lovisa ne résistait pas à une brioche charnue encore chaude tandis que son mari racontait les aventures et mésaventures qui survenaient régulièrement à l’Ambassade de Magie de Suède. Officiellement il était un politicien souvent en voyage, officieusement, il représentait son pays et tous leurs sorciers lors de grands meetings organisés en Grande-Bretagne. Il était déjà convenu que les enfants feraient alors leur scolarité à Poudlard qui était encore considérée comme l’élite de l’apprentissage de la magie. Durmstrang était bien plus près mais trop sombre à leur goût. La Magie noire n’était pas dans les projets des Lindgren bien qu’Anders semblait s’intéresser de plus en plus à ses pratiques obscures qui menaçaient quiconque osait l’utiliser à de mauvaises fins. Dans tous les cas, personne n’aurait pu se plaindre de cette soirée qui n’était que véritable témoignage de la complicité qui unissait la famille. C’est donc tout excité que Claes s’était couché, hâte d’être au lendemain pour accompagner son frère jusqu’à la Gare qui menait au grand Poudlard. Il avait fermé les yeux, serein, plongeant dans des rêves d’enfant. Et depuis ? Le néant. Le trou noir. Toute la famille pouvait se souvenir avec effroi du cri qui avait transpercé les murs de l’immense demeure. Des cris horrifiés et paniqués qui avaient duré de longues minutes qui avaient paru des heures voire des années. Claes avait bondi de son lit avant de courir dans la pièce dans l’espoir de retrouver sa mère. Malheureusement, il se cogna à un mur et chuta lourdement sur les fesses, emportant avec elle toute la dignité qui lui restait alors. Le temps que son père n’accoure à sa rencontre, l’enfant tapait des poings sur le sol dans une peine déchirante. Des larmes coulaient de ses yeux bleus qui semblaient perdus dans le vide. Il hurlait dans toute la pièce, il demandait pourquoi. Pourquoi le monde était encore noir alors qu’il avait ouvert les yeux ? Pourquoi ne voyait-il plus la peluche avec laquelle il s’était endormi ? Pourquoi entendait-il la voix de son père alors qu’il n’apparaissait plus devant son regard ? Se sentant soulevé alors puis blotti dans des bras masculins, Claes continuait de pleurer sans cesse. Il tapait les épaules massives de son paternel tandis que celui-ci tentait de lui murmurer des paroles rassurantes. Sans toutefois lui expliquer ce qui lui arrivait. C’est alors qu’il perçut parmi ses pleurs une voix enfantine, nonchalante dans laquelle on sentait une pointe de tremblement qui demandait alors à Mr. Lindgren : « C’est fini Papa ? Il ne voit plus ? » Oui c’était fini. Le soleil s’était couché à tout jamais. Si les souvenirs de cette soirée voulaient rester gravés dans sa tête, Claes ne devint alors plus le même. Il était aveugle. Définitivement non-voyant. La lumière n’était plus. « Claes... Tout ira bien, mon fils. Tout ira bien. »

« Non je ne peux pas faire plus attention, je ne vois pas ! » L’archet du violon que Claes tenait alors entre les mains vola dans la pièce jusqu’à faire la rencontre d’un mur avant de s’échouer sur le sol, laissant son professeur de musique dans une stupeur mal contenue. Dans l’espoir de se calmer, il passa alors une main nerveuse dans sa grande mèche qui lui tombait devant les yeux comme à son habitude. Même à 18 années révolues, Claes demeurait sujet aux caprices. Avec le temps et les obstacles qui avaient barré son chemin pendant longtemps, le jeune homme était devenu quelqu’un de réservé et très peu bavard. Toujours dans son monde, il n’est pas rare de n’obtenir aucune réponse de sa part, comme inconscient que quelqu’un se trouve en face de lui. Bien sûr, il ne faut pas se fier aux apparences : bien qu’aveugle, Claes a su développer ses autres sens et ses autres facultés notamment magiques pour pouvoir compenser la perte de la vue. Depuis que la cécité a gagné la partie à l’âge de 6 ans, ses parents avaient décidé de mettre à profit toute sa colère et la rancune qu’il ne parvenait pas à évacuer. En effet, c’est certainement grâce à eux que Claes est un violoniste prodige et accompli. Réfugié dans la musique, le jeune homme évitait souvent les élèves de son âge, même au sein de Poudlard. Il n’était pas dans le souci de s’intégrer socialement. Conscient qu’il est différent et que la loi des sorciers ne faisait pas de pitié, il préférait alors s’écarter avant qu’on ne le fasse pour lui. Très susceptible par rapport à sa situation, il piquait souvent des crises pour n’importe quoi l’emportant alors dans une violence qui ne lui ressemblait pas. Son Sang pur il ne le mettait en avant que rarement. Ce n’est que lorsqu’il souhaitait se montrer méprisant ou tenter de se mettre au même niveau des autres qu’il utilise sa longue lignée de sorciers puissants. Mais il n’y parvenait jamais. Dans un soupir las, Claes tendit alors la main vers le dossier d’une chaise pour s’y assoir, laissant sa main qui tenait le violon choir sur le sol. D’ici quelques heures, il devrait alors partir de Suède pour retrouver Poudlard pour une nouvelle année au sein de l’UFR Art Magique. La nouvelle ne l’enchantait pas vraiment puisqu’il savait que personne ne l’attendait vraiment là-bas. Nul ami, nul amour, plutôt quelques jolies emmerdes. Pas même son frère, employé au château avec qui il n’entretenait plus aucune relation fraternelle de près ou de loin. Il ne s’en plaignait jamais. Claes se sentait à sa place dans sa bulle, dans son monde musical où seules les notes douces et maitrisées d’un violon suffisaient à apaiser sa peine qui alourdissait son cœur depuis plus de 12 ans. Alors qu’il lui semblait percevoir l’arrivée de quelqu’un, il se leva alors, pressentant ce qui allait se passer prochainement : « Je dois vous laisser. N’ayez crainte, j’emmène mon violon avec moi. Je m’entrainerai toute l’année. » N’accordant aucun sourire à son professeur, il sortit alors sa baguette avant de formuler un Accio qui vint placer l’archet dans sa main. Esquissant quelques pas assurés jusqu’à la porte dont il connaissait l’emplacement par cœur, il l’ouvrit sur sa mère, surprise qui le pressa alors à se préparer pour le voyage. Il leva ses yeux bleus translucides vers elle puis acquiesça en silence avant de poursuivre sa route. Que pouvait bien réserver cette année ? Il n’en savait rien. Mais les rumeurs la promettaient alors riche en rebondissements et surprises.

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