l • life, the universe & everything.

Je suis devenu orphelin vers l'âge de quatre ans. Mes deux parents sont morts dans un accident de voiture pendant que j'étais chez mes grands-parents. Les pauvres vieux ont bien essayé d'obtenir la garde, mais le marteau du juge est tombé et avec lui ces mots terribles : vous êtes trop vieux. Trop vieux pour élever un enfant, trop pour supporter la charge d'une bouche de plus à nourrir, mais pas trop vieux pour aimer et pour mourir de chagrin... ah ! Merde, je suis un vrai gobelin, je vous raconte tout ça et j'oublie de vous mettre dans l'ambiance. Bon imaginez, une nuit froide, mais sans nuage ; sans étoiles, non plus. Une petite musique lente, mélancolique et un plan sur l'orphelinat baigné par la lumière de la pleine lune... c'est plus classe quand même ! J'en reviens au plan sur l'orphelinat, j'avais compris, à mesure que j'avançais vers le vieux bâtiment délabré, que je serais seul un bon moment. La suite m'a donné raison : j'étais trop bizarre pour les autres enfants qui préféraient se tenir à l'écart et pour être honnête, ça me convenait parfaitement, je n'aimais pas vraiment leur compagnie. Ils n'étaient ni méchant, ni froid, ni rien de tout ça et je ne l'étais pas non plus, mais j'avais le sentiment que nous appartenions à deux mondes différents qui avaient besoin de plus de temps et de plus de sagesse pour s'apprivoiser et cohabiter sereinement. Le plus souvent, je restais dans ma chambre, je dessinais, j'écrivais aussi beaucoup, tout le temps, en fait... bon, je vous épargnerais la lecture de mes poèmes et histoires de l'époque : autant de talent peut nuire à votre santé et à celle de votre entourage (rire). Je les comprenais, les autres enfants, il se passait toujours des trucs un peu bizarre autour de moi ; ça donnait pas envie de me côtoyer. Entre des objets qui lévitaient quand je les regardais trop longtemps ou les trucs qui explosaient quand j'étais énervé, c'était un sacré mélange. Et puis un jour, j'ai compris où était ma place et pourquoi j'avais la sensation de ne pas appartenir à leur monde. J'ai reçu une lettre qui m'expliquait que j'étais un sorcier et tout ça. Un professeur est même venu à l'orphelinat pour m'expliquer le pourquoi du comment et ma vie de sorcier a commencé... c'était la partie chiante et triste, on peut passer aux moments fun et rock parce qu'on dirait pas comme ça, mais je suis quelqu'un de plutôt joyeux.
Je suis rentré à Poudlard, je me suis fait des potes et des ennemis, j'avais enfin trouvé ma place, bla bla bla... vous connaissez la chanson. Je passe sur les cinq ou six premières années de ma scolarité : il ne s'est pas passé grand chose d"intéressant. Tout ce que je peux vous dire, c'est que je me suis fait connaître comme un petit gars sympathique et drôle. Bref, je suis en sixième année, j'ai du succès avec les filles, je m'en sors bien avec les cours, mais j'ai un soucis : l'excès. Je buvais trop et je fumais trop... je fume toujours trop, mais je bois beaucoup moins. Assez logiquement, j'ai intégré l'AWH et je me suis vite fait une réputation de fêtard invétéré, à tel point que je suis devenu un des organisateurs de soirée. J'aimais bien mettre en scène le déroulement de la soirée avec des évènements, des surprises et c'est comme ça que j'ai compris que mon avenir se situait dans le milieu artistique. Auror : pas pour moi, j'avais pas la mentalité héros sacrificiel, médicomage : beaucoup trop d'étude, La justice : ...non sérieux, la justice ? Mon truc, c'était les bouquins, les films. J'étais et je suis toujours un passionné, je pourrais vous en parler pendant des heures au point de devenir fatiguant... j'ai fait fuir des filles à cause de ça. Mais je vous parlais de l'alcool et des excès. Paradoxalement, c'est ça qui m'a fait rencontré celle qui deviendrait ma femme... je voudrais bien vous raconter, mais certains détails pourraient choquer la sensibilité des plus jeunes. Tout ce que vous devez savoir, c'est qu'elle n'hésitait pas à me frapper pour me recadrer. Je suis possessif, elle est indépendante ; je suis extraverti, elle est calme ; j'ai un trouble de l'attention, c'est la femme la plus concentrée que je connaisse. Nous n'avions qu'un seul point commun : un besoin impérieux d'être entouré, une sorte de micro-famille en attendant de devenir une vraie famille.

ll •• the answer is 42.

Le succès, je vais pas faire mon modeste, ça me plaisait. Des gens que vous ne connaissez pas qui vous adulent, vous aiment sans vous connaître. C'est grisant. Et puis, il faut bien avouer que j'étais pas trop mauvais dans mon domaine... bon d'accord, je suis un peu prétentieux, mais je suis vraiment bon. Une foule de gens, un plateau de talk show classique. Il faut peut être que je vous explique comment j'en suis arrivé là. Je suis sorti de l'université avec mon M.A.C.A.D.A.M en poche, quelques notes brillantes, d'autres beaucoup moins et j'ai commencé à faire des petits boulots. Des trucs du genre, éplucheur de patate, ramasseur de crottes de hibou pour une ménagerie, des boulots bien pourris, quoi. Un jour, je tombe sur un article : une production magique cherchait des acteurs d'une vingtaine d'année. Je venais de me faire virer d'un énième petit job, et j'avais à peine de quoi payer mon loyer, c'était une occasion en or. J'ai passé le casting, j'ai eu le rôle et à partir de là, tout s'est enchaîné... trop vite, peut être. Je me rappelle des deux premières critiques qui ont été écrites sur moi. La première était dans le chicaneur, ça disait quelque chose du genre : un grand acteur qui vient de naître, une carrière à surveiller. La deuxième était écrite par un ancien camarade de poudlard devenu journaliste. A peu de chose près, il disait que j'étais une sombre m*rde, mais avec un style plus littéraire. Il m'avait jamais aimé de toute façon. Je dois bien avouer que je lui en ai voulu au début et puis je me suis fait une raison jusqu'au jour où je les croisais dans une soirée, cinq après. Je lui ai jeté un sort et il a passé le reste de la soirée à caqueter à chaque qu'il ouvrait la bouche... je suis un peu rancunier aussi.
Mais je disais que tout s'était enchaîné très rapidement, voire trop. Sans trop le vouloir, sans trop m'en rendre compte non plus, j'étais en train de me trahir. Je devenais imbu de moi-même et je me prenais pour un intellectuel parce que j'appartenais au petit monde du cinéma et des acteurs... en clair, je pétais plus haut que mon cul. Heureusement, ma femme était là et après quelque coup de pied au cul et le merveilleux enfant qu'elle m'a donné, j'ai compris que je n'avais pas besoin de tout ça. Ce qui est assez étonnant, c'est que malgré tous mes excès passés, je ne suis jamais tombé dans la drogue. Heureusement, me direz-vous, mais j'ai vu tellement d'autres gars tombés là-dedans pour ne jamais en revenir. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de revenir à mon premier amour : l'écriture.

Et c'est comme ça que quelques années après je me retrouve ici, sur ce plateau de télé, avec ce présentateur gominé que je vais faire semblant de connaître ; tout comme lui d'ailleurs... eh ouais, pas d'ami dans le showbiz, c'est pas moi qui vous direz le contraire. « Dois-je vraiment vous présenter le garçon que je m'apprête à recevoir ? ». Bruit confus de la foule, il sourit et continue. « Laissez-moi vous le résumer en quelques chiffres : vingt films en tant qu'acteur, cinq en tant que réalisateur, trois livres et deux albums ». Applaudissement nourrit quand le mot "applause" apparaît en lettres magiques devant le public. « Et sans oublier : dix-sept fois nominés pour diverses récompenses, six fois récompensés ». Grand mouvement de bras du présentateur qui me fait signe d'entrer, tonnerre d'applaudissement. Je fais un petit sourire, un petit geste de la main, je salue le présentateur comme si on était de vieux amis... ne vous méprenez, je l'aimais bien, mais tout ça sonnait un peu faux pour moi, les embrassades chaleureuses, tout ça. « Un sacré palmarès et tout ça à même pas trente ans ». Je passe sur le reste de l'interview, il revient sur mes films, sur mes bouquins, sur des épisodes plus ou moins glorieux de ma carrière. Je me prête au jeu, je déconne un peu, je suis sérieux quand il faut l'être, je raconte deux-trois anecdotes et on en arrive à la fin de l'émission. « Tout ça est très impressionnant, mais au final vous avez tout ce que pouviez faire, du coup on a envie du vous demander : et après ?». J'attendais la question, je savais déjà ce que j'allais répondre parce que je préparais ça depuis un petit moment ; pas sur que lui sois prêt pour la réponse. « L'enseignement ». Sourire gêné du présentateur, quelques rires dans le public. « Non sérieusement, j'ai déjà déposé ma candidature à l'université pour enseigner la littérature magique, j'ai besoin de me poser un peu et j'arrive à un point de ma vie où j'ai envie de transmettre quelque chose ». Le présentateur rebondit... pas lui physiquement (rire) ... mouais, c'est pas la meilleure que j'ai faite. Et on repart pour quelques minutes d'interview avant la fin de l'émission. « Eh bien ! Merci d'être venue Sylbao, je rappelle votre actualité ». Il prend l'affiche de mon dernier film et la met devant lui, masquant le fait qu'il relit ses fiches. « Fragments d'éternité, votre dernier film d'animation ... j'imagine qu'on peut appeler ça comme ça, où vous mettez en scène des peintures et des photos animés dans une sorte de conte onirique ». La foule applaudit une dernière fois, certains vont même jusqu'à crier, essayant de surpasser le tumulte, le présentateur poursuit pendant que je remercie silencieusement le public. « Merci Sylbao, c'est tout pour ce soir, mais on se retrouve la semaine prochaine ». Le générique de fin de l'émission démarre, on ne nous entend plus, mais on nous voit. Je souris au présentateur, le salue chaleureusement et je vais même jusqu'à faire une petite révérence pour le public... la dernière ?