La nuit était tombée sur l’Ecosse et sur Poudlard, le plafond de la Grande Salle s’assombrissant au fur et à mesure que les étoiles apparaissaient. Après le dîner, l’ensemble des élèves du château s’étaient joyeusement éparpillés dans les couloirs et les salles. Bettina, elle, avait suivi le mouvement qui jaillissait hors de la Grande Salle avec le dynamisme d’un mollusque sous amphétamines.
Non pas qu’elle ait fait beaucoup d’efforts aujourd’hui. Elle avait dansé une heure, seule dans le dortoir. Rien de très impressionnant. Bettina n’était pas quelqu’un d’impressionnant de toute façon, si ce n’est par son extraordinaire faculté à causer des catastrophes.

Elle était assise, affalée même, dans un fauteuil recouvert d’un velours fauve élimé. Il fallait bien l’avouer, la salle commune des Pouffsouffle ne payait pas de mine, sans décoration aucune. Celles des autres maisons étaient-elles aussi … vieilles ? Et aussi accueillantes ?

En face du fauteuil, deux septièmes années se disputaient autour d’un plateau d’échec. Les pions semblaient vivre leur vie indépendamment de la discussion au-dessus, et Bettina observait nonchalamment le roi blanc faire une clé de bras, ou quelque chose d’approchant, à un cavalier. De l’autre côté du plateau, deux pions semblaient aussi s’affronter avec violence.

Bettina se redressa à moitié dans son fauteuil, cherchant quelque chose à faire. En plus de la danse, elle avait passé son après-midi dans le parc, observant avec un sourire des amis qui jouaient au Quidditch. Maintenant, les amis de Bettina étaient éparpillés dans leurs maisons respectives, ou ici, dans celle de Pouffsouffle, travaillant d’un air distrait. Encore une chose qu’elle n’avait pas envie de faire, ce soir. Les devoirs attendraient bien demain, ou le jour d’encore après. La procrastination était un art, pour lequel Bettina était particulièrement douée.

Et puis, d’autres gens entrèrent, parmi lesquels la jeune fille distingua un vieil ami, London Antwerp. Un vieil ami ? C’était une façon de parler. Il semblait avoir pris la jeune fille sous son aile, à sa manière délirante et parfois déplacée. Ça n’était pas la première fois qu’il venait le soir … Au début, il avait même tenté de lui raconter des histoires. Sauf que Bettina n’était pas du genre à adorer les histoires avant d’aller se coucher. Enfin, plus maintenant.
Elle rougit avant même que London ne s’approche. Si seulement elle avait pu posséder son aisance, son bagout et sa façon naturelle – et un peu tordue – d’être, y compris en public. Si elle avait la moitié de sa prestance, elle aurait pu être quelqu’un de tout à fait différent – quelqu’un qu’elle essayait de devenir. Et elle y réussissait plutôt bien, mais pas en sa présence. En présence de London, Bettina était quelqu’un de flasque, extrêmement modulable, qui se fondait donc particulièrement bien dans la fonction de peluche qu’on lui prêtait.
En huit ans, pas un jour elle n’avait réussi à reprendre confiance en elle, et à cesser de considérer London comme une espèce d’entité un peu supérieure et complètement loufoque. Pourtant, elle aurait bien voulu qu’il cesse ses simagrées – elle n’avait vraiment plus douze ans.

« Salut », dit-elle pourtant, contente de le voir.

Quelle catastrophe prévoyait-il encore de déclencher ?
Juste une fois, pour rire, elle avait pensé à intégrer l’AWH. Ca ne cadrerait pas vraiment avec l’image de gentille petite fille qu’elle avait jusqu’ici, n’est-ce pas ? Elle n’avait jamais été complètement soule, de toute façon.
Et maintenant, elle était effondrée dans un fauteuil, à attendre on ne sait quoi, alors qu’il y avait tellement de choses à faire et à dire. Elle avait envie d’aller se coucher, pour ne plus penser à tout ça, pour ne plus penser à quel point était molle et inintéressante.

« Qu’est-ce que tu fais ce soir ? » questionna Bettina à l’adresse de London.