MORT AUX VACHES* !

Comment était-il possible que la salle d’étude soit aussi pleine alors que l’on n’était que fin octobre ? N’avaient-ils rien d’autre à faire que leurs devoirs, à cette époque de l’année ? Comme, au hasard, préparer Halloween ? Astrid râla intérieurement quand un énième première année la bouscula : ça n’était pas parce qu’elle était petite et chétive que les gens devaient se croire autorisés à lui taper sur la tête.
Avec un soupir, la sorcière ramassa ses affaires avant de les fourrer en vrac dans son sac, entre deux barres chocolatées et un rouleau d’affiches. Elle n’avait plus la tête aux études, pas quand l’infecte, que dis-je, l’infâââme Pure Blood League (coucou Alcide) s’amusait à semer la pagaille dans les couloirs. Ignorant résolument les sirènes de la culpabilité qui lui soufflaient qu’elle aurait dû continuer à travailler, elle quitta la salle d’études pour aller s’intéresser à quelque chose d’un peu plus important et d’amusant… Elle n’avait pas de collants et de slip de justicier, à son grand regret (ils auraient eu l’air parfaits dans leurs uniformes) mais c’était quelque chose dans le même goût.

Après avoir grimpé à la volée les escaliers de la tour d’astronomie, Astrid entra en trombe dans la salle de l’ABSU, faisant voler une pile d’affiches qui se trouvaient près de la porte. Elle déposa son sac de cours sur une pile de livres qui trônaient dans un coin et slaloma entre les tables, ignorant le regard furieux de ceux qu’elle avait dérangés. Heureusement pour elle, la plupart des membres étaient occupés ailleurs, probablement ensevelis sous une pile de devoirs.
En parlant de pile de devoirs… Astrid se glissa sur une chaise en face de Jeremiah, qui disparaissait presque entièrement derrière un amoncellement de livres assez instable. D’ici, elle ne voyait dépasser que quelques mèches de cheveux bouclés.

▬ Par pitié, dis-moi qu’on a un plan machiavélique pour les faire taire une bonne fois pour toutes, râla-t-elle en écartant les livres pour voir son comparse.

Sans attendre sa réponse, Astrid attrapa le bouquin du dessus et l’ouvrit au hasard, cherchant une réponse cosmique entre les lignes compliquées des instructions pour la métamorphose. C’était encore au-dessus de son niveau mais, si elle l’avait pu, elle aurait étudié la métamorphose avancée, l’étude des runes et mille et unes autres matières qui lui tendaient les bras en hurlant « prends-moi en option, prends-moi en option ! ». Cependant, le professeur responsable des Serdaigle avait émis quelques remarques prudentes à ce niveau (il avait plus exactement grimacé avant de jurer que jamais, au grand jamais, il ne lui permettrait d’emprunter un Retourneur de Temps sous peine de destruction immédiate et violente de Poudlard).
Boah. Elle vaincrait, de toute façon. Elle aurait sûrement plus de temps libre après son diplôme… ou peut-être pas.

▬ Je crois que la PBL a prévu de tous nous rendre fous cette année, observa-t-elle en tirant une boîte de biscuits de son sac. Ou peut-être juste de nous attaquer séparément.
Elle avait fait cette dernière remarque sur un ton songeur, rêvant qu’Alcide tombait sur la tête et se relevait amnésique, lui aussi. Ils pourraient tous devenir amis et lutter pour l’égalité pour tous.
C’est ça, rêve toujours.

▬ De qui parles-tu ?
▬ De mon rejeton de Satan favori, j’ai nommé… Astrid mima le roulement de tambours en frappant ses doigts sur le bord de la table (elle avait déjà essayé avec sa baguette, avec failli la casser, c’avait été moyennement drôle et ainsi de suite). … Alcide Hemingway, pourriture en chef. Qui d’autre ?
Bon, il fallait bien l’avouer, il n’était pas la première des préoccupations chez tout l’ABSU. Timothy le détestait plus ou moins cordialement, Astrid le haïssait profondément, mais la plupart des autres n’avaient rien d’autre que lui que leur haine « héréditaire ». Mais quand même !
La sorcière plissa les yeux et lança un regard méfiant à Jeremiah, comprenant finalement qu’il se moquait d’elle. Elle esquissa une moue dédaigneuse en lui tirant la langue avec ce qui pouvait passer pour beaucoup de dignité.

▬ C'est pas ce qu'ils essayent de faire depuis des années ? Non, parce que sinon, je n'ai jamais rien compris.
Astrid roula des yeux excédés. D’habitude, la PBL se contentait d’être une ligue d’infâmes et d’horribles sang-purs arrogants prônant des valeurs abjectes. Cette fois, ils semblaient avoir décidé de s’attaquer frontalement à l’ABSU en agressant chacun de ses membres dans leur coin. Ce qu’elle s’empressa d’expliquer en babillant à Jeremiah :
▬ Ca fait à peine un mois qu’on est là et je commence déjà à me demander si ça vaut pas la peine d’organiser des équipes pour ne plus se retrouver seuls dans les couloirs le soir. Je sais pas comment on pourrait faire ça, faudrait voir avec les premières années. Enfin, peut-être que je dramatise, mais c’est quand même la troisième fois que je tombe sur Hemingway dans les couloirs et où je me dis qu’heureusement que je suis pas toute seule.
Faisant une pause pour rattraper son souffle, elle en profita pour y enfourner un morceau de biscuit à la citrouille.
▬ Enfin, tout ça pour dire que je les trouve encore plus agressifs que d’habitude. On dirait que perdre sa copine a pas arrangé Hemingway, continua-t-elle, avec une référence évidente à Jules O’Connor, l’ancienne amie amnésique d’Alcide, qui s’était retrouvée à Gryffondor après son accident. Ou alors, c’est l’âge qui le rend con. Dans tous les cas, il est encore pire que d’habitude et il va vraiiment falloir qu’on fasse quelque chose, acheva Astrid en appuyant volontairement sur le « vraiment ».

Sur ces sages paroles, elle engloutit le reste de son biscuit et se laissa aller au fond de son siège, songeuse. L’ABSU était aussi active que les années précédentes, même s’ils n’avaient pas recruté grand-monde dans les première et deuxième années (en même temps, ils étaient tout petits, ils n’atteignaient sans doute même pas le haut des panneaux d’affichage, ce qui réduisait quelque peu leur utilité).
▬ Qu'est-ce qu'ils t'ont fait cette fois ?
Elle émit un claquement de langue désapprobateur.
▬ A moi personnellement, rien que les menaces de mort habituelles. Quelqu’un avait peut-être traité sa mère de jambon, mais c’était tout. Mais je m’inquiète de ce qui va venir… pas toi ?