Liam est né un soir de janvier. Il faisait froid, il neigeait et il était en retard de quelques jours. A 21h56, le troisième fils de la famille Bradshaw était né. Magnifique bébé aux yeux pétillants et aux joues rebondies, il fut l'attraction de la famille pendant près de deux ans ; jusqu'à ce que sa mère tombe enceinte pour la quatrième fois. La grossesse fut difficile pour elle et la petite Ana-lena pointa le bout de son nez un peu trop vite : Ayla ne survécut pas lors de cet accouchement anticipé. Liam a eu beaucoup de mal à s'adapter suite à cette mort tragique : Ana-lena occupait tous les esprits, son père lui prêtait peu d'attention et ses frères avaient totalement oubliés sa présence. Alors petit à petit, doucement, la colère s'accumula en lui. Plus Liam observait sa petite soeur, plus il la détestait. Mais personne ne s'en était rendu compte. Comment était-ce possible d'ailleurs puisque personne ne lui prêtait la moindre attention !? Ce n'est que lorsque sa soeur entra à Poudlard, alors que Liam entamait sa troisième année, que ses frères aînées se rendirent compte de l'aversion qu'il éprouvait pour elle. Aaron et Gregory avaient parfaitement remarqué la place important que Liam occupait à Poudlard. Craint et respecté, il avait prit de l'assurance, à tel point que les jumeaux craignaient qu'il ne mène la vie dure à leur petite protégée. Alors ils l'ont prévenu : ils lui ont dit qu'Ana-lena était intouchable, qu'il ne devait absolument pas effleurer un seul de ses cheveux. Liam était plein de haine, certes, mais il n'était pas fou. Il avait parfaitement conscience des capacités de ses frères et de leurs folies respectives ; il savait qu'en transgressant leurs ordres, il finirait complètement écrasé, déchu de son trône. Alors Liam a gardé le silence, a conservé sa colère au plus profond de lui-même et s'est toujours montré cordial avec sa soeur. Ils ne se parlaient presque jamais, ne se voyaient que rarement et n'avait jamais le moindre geste d'affection l'un envers l'autre. Mais Ana-lena éprouvait malgré tout de l'amour pour son frère, une affection fraternel comme cela est presque inévitable ; elles pensaient qu'ils se comprenaient en silence. Mais Liam n'était qu'un acteur ! Et aujourd'hui, les jumeaux ont quitté Poudlard. Ils ont terminé leurs études, ils entrent dans la vie active, mais surtout, ils lui laissent les mains libres. Aujourd'hui, Liam est maître de la situation, et Ana-lena n'est plus qu'un pion sur l'échiquier, un pion avec lequel il va pouvoir jouer à sa guise ! Du moins c'est ce qu'il croit ... car sa petite soeur n'a pas l'intention de se laisser faire ! Mais d'abord, remontons plus loin, à la création de ce monstre qu'est Liam, au commencement ...
* * *
Sous le ciel orageux, le terrain de Quidditch semblait triste et étrangement silencieux. La pluie diluvienne qui avait duré toute la matinée s'était arrêtée, pour le plus grand bonheur des joueurs qui en avaient eu plus qu'assez de ne rien voir, même avec leurs lunettes sur le nez. Malgré toutes les personnes qui étaient présentes, et malgré le match qui venait de se dérouler, le terrain semblait toujours aussi maussade. Et en effet, il avait de quoi.
La foule s'était totalement levée, que ce soit parmi les gradins de Serpentard, de Serdaigle, de Poufsouffle ou de Gryffondor. Une partie des spectateurs était descendue sur l'herbe fraîche, se regroupant autour d'une seule et même personne. Au centre se trouvait une jeune joueuse brune de Poufsouffle, allongée par terre, son balai brisé plus loin, hurlant de douleur. Son pantalon était complètement déchiré au niveau du genou, laissant apparaître sa peau tailladée et ensanglantée. Les professeurs qui l'entouraient cherchaient une solution ensemble, alimentant l'énorme brouhaha que faisaient les discussions des élèves, jusqu'à ce que Mme Pomfresh n'arrive en courant, sa robe grisâtre voletant derrière elle, repoussant au maximum les jeunes gens agglutinés autour.
— Poussez-vous ! Poussez-vous vous dis-je !
L'infirmière s'agenouilla au sol, près de l'élève souffrante. Elle examina son genou, une mine effrayée sur le visage : il était d'après elle cassé, et pas qu'un peu ... Elle sortit une petite fiole de sa poche elle fit boire à la jeune élève, dans le but d'apaiser la douleur un temps, et leva les yeux vers le Directeur.
— Il faut l'emmener tout de suite à l'infirmerie ! Et encore, je ne sais pas moi-même si j'arriverais à faire quelque chose ... Son genou ne s'est pas simplement cassé, je crois qu'elle a aussi été victime d'un maléfice ... Et pas un maléfice de débutant, commenta-t-elle.
Les professeurs s'exécutèrent alors, l'un d'eux prenant la jeune Annie McLog entre les bras. Les autres suivirent, quittant le terrain de Quidditch en ne laissant que quelques personnes. Un des professeurs qui tenait un sifflet à la main s'écria alors :
— Malgré cet incident, on peut dire que Serpentard l'emporte !
Les Serpentards, peu compatissants de la chute de la demoiselle voire pas du tout, crièrent de joie, se dirigeant en chantonnant leur victoire vers les vestiaires. Ca avait beau être un match d'essai, où personne n'avait de rôle précis sauf quelques personnes, une victoire pour les Serpentards est une victoire. Une défaite au contraire, n'est pas méritée si ce sont eux qui la subissent. Tous se dirigeaient donc vers les vestiaires. Tous, sauf un.
Un garçon brun était resté planté au milieu du terrain, fixant la foule qui accompagnait la jeune joueuse de Quidditch de première année. C'était l'attrapeur de Serpentard. Il se passa une main dans les cheveux d'un air las, soupirant. Il semblait peu inquiet au niveau d'Annie, voire pas du tout. On aurait même pu déceler une once de victoire dans ses yeux, et il était difficile de deviner si c'était pour le match remporté ou pour autre chose.
Un autre de ses compagnons, vêtu de sa longue robe verte et argent de joueur de Quidditch, balai en main gauche, s'approcha de lui avec hésitation, après avoir crié au reste de l'équipe qu'il les rejoindrait plus tard. L'attrapeur ne se retourna même pas, le regard toujours viré vers le groupe de personnes qui retournait, pressé, vers Poudlard, comme si cette insolente Poufsouffle était sur le point de mourir, ce qui le révoltait, lui qui savait que ce dont elle était victime n'était pas si important que ça. Elle n'était pas censée mourir tout de même, il ne fallait pas en faire tout un scandale. Du moins, c'est ce qu'il pensait. Si il n'avait pas fait d'erreur dans le sort, elle devait rester en vie ...
— C'est toi qui a fait ça ? interrogea le batteur vert après quelques secondes à avoir observé le brun.
Ce dernier se retourna enfin, comme si, par miracle, le jeune homme de deux ans plus grand que lui, méritait enfin son attention. Il le regardait de ce regard impassible et froid, ce regard effrayant qui en faisait flancher plus d'un.
— Pourquoi l'aurais-je fait ? demanda-t-il calmement.
— J'ai un doute, c'est tout. Alors, est-ce que c'est toi qui a fait ça ? répéta-t-il.
— Elle m'a insultée, avoua-t-il, toujours de ce calme inquiétant. Elle a insulté mon nom. Mon père, ma famille. Elle mérite ce qui lui arrive.
Le batteur avait maintenant les lèvres légèrement entre-ouvertes de stupeur. Il était partagé entre l'étonnement et la peur. Comment est-ce qu'un garçon de onze ans pouvait parler avec autant de maturité, de sérieux, et de cruauté ? Au début de ce match d'essai, voyant qu'il se débrouillait plus que bien, il s'était dit qu'il le prendrait obligatoirement dans son équipe. Sa vitesse, ses esquives, et le don qu'il avait pour attraper le vif d'or en quelques minutes. Tout était parfait, il était destiné à devenir l'un des plus grands joueurs de toute l'histoire du Quidditch. L'anticipation semblait lui réussir. Il avait beau être en première année, c'était un génie à ce niveau-là. Mais, ce qu'il ne savait pas jusqu'à là, c'était qui il était. Son identité. Et, en quelques secondes, il venait de deviner. Cette impassibilité, ce froid constant, cette manie à terrifier n'importe qui. C'était sûr. C'en était un.
Il déglutit alors, peu sûr de ce qu'il allait avancer. Mais il fallait qu'il sache si son hypothèse était réelle.
— Tu es un Bradshaw, n'est-ce pas ?
Liam ne fût même pas étonné qu'il devine. Il semblait y avoir quelques personnes intelligentes dans Serpentard, c'était bon à savoir. II cligna plusieurs fois des yeux sans lui répondre, comme s'il n'en valait pas la peine. Et c'es grâce à ce silence que le batteur comprit qu'il avait raison. Il avait à faire, en face, à un Bradshaw. Rien que de savoir ça l'inquiétait.
— Quand je t'ai vu commencer à jouer, je me suis tout de suite dit que c'était toi qu'il me fallait. Je nous voyais déjà remporter tous les matchs. Cependant, suite à ce qui vient de se passer, je suis désolé mais, je vais devoir te dénoncer, et refuser ta candidature.
Le batteur commença à se retourner, la mine désolée, pour partir. C'est alors qu'il sentit une tige s'enfoncer entre ses deux omoplates : il s'immobilisa, terrifié. La baguette de Liam était plantée dans son dos. Il se faisait menacer par un élève de première année, et il avait littéralement peur. Pourquoi ? Tout ça parce qu'il savait de quoi les Bradshaw étaient capables. Et si il avait bien pu faire ça à cette élève de Poufsouffle, alors que pourrait-il donc lui faire ? Il n'osait même pas imaginer. Il imaginait déjà les professeurs retrouvant son corps gisant dans la forêt interdite ... Non, il ne fallait pas céder à la paranoïa et à la peur. C'est un gamin de onze ans, bon sang !
Liam ne retira pas sa baguette, regardant le dos de son camarade avec mépris.
— Si tu dis un seul mot et que tu ne m'acceptes pas dans cette équipe, je te ferais accuser à ma place. Tu seras viré de cette équipe, et, pire encore, viré de cette école. Fais ton choix.
Malgré les menaces du Serpentard, Tom, le batteur, se reprit. Il inspira un grand coup, et se retourna brusquement, faisant tomber la baguette de Liam au sol. Se sentant confiant face au petit garçon qu'il était, qui faisait au moins cinquante bons centimètres de moins que lui, il fronça les sourcils, le regardant d'un air sévère, dans l'espoir de lui faire peur grâce à cet avertissement.
— Tu commences très très mal ton année à Poudlard, petit. Je ne me laisserais pas impressionner par un première année, je te préviens. Je n'ai pas peur de toi, ni de ta famille. Je te dénoncerais, tu seras puni, et ta candidature sera rejetée.
Il fit volte-face, quittant le terrain de Quidditch sans aucun remords. Mais pour Liam, ses paroles étaient plus que sérieuses. Et il ne comptait pas le laisser filer. Il allait payer. Comme il était convenu. Liam serait attrapeur de Serpentard, et lui allait comprendre qui il était.
* * *
— Professeur, je vous en prie, s'écria le jeune homme. Je ne suis en rien coupable ! Le vrai coupable c'est ...
— Monsieur Ashford, cessez tout de suite ! Si Annie ici présente dit que c'est vous, c'est que c'est vous, cessez de nier s'il-vous-plaît ! Nous avons vérifié dans sa mémoire, et les images sont bien précises, Tom. Vous êtes donc exclu de Poudlard et de ce fait, viré de l'équipe de Quidditch. Nous espérons que vous saurez trouver meilleure école que la nôtre, qui acceptera peut-être les maléfices de ce genre et les tricheurs comme vous !
La sorcière contourna le jeune homme à la mine désespérée, quittant l'infirmerie. Elle s'arrêta cependant à l'encadrement de la porte, rajoutant une dernière chose.
— Vos valises sont dans le hall. Vous êtes prié de quitter l'école avant quinze heures. Vos parents sont déjà au courant, nous leur avons envoyé une lettre. Bonne chance pour la suite, Monsieur Ashford. En espérant que cette sanction vous sera utile dans votre avenir.
Elle referma la porte derrière elle, laissant le Serpentard maintenant effondré sur le marbre glacé de l'infirmerie.
* * *
Tom prit la cage de son hibou dans une main, sa valise de l'autre. Il essuya ses larmes d'un revers de la manche, regardant une dernière fois les escaliers qui menaient aux différentes salles, posté devant l'énorme porte de bois qui séparait le monde extérieur de Poudlard. C'est là, qu'en haut des escaliers de marbre, apparût Liam Alexander Bradshaw, les bras croisés, appuyé contre le mur, ce regard toujours impassible et extrêmement agaçant. Il n'avait même pas ce sourire machiavélique aux lèvres contrairement à ce qu'on pourrait penser, sourire digne d'un Bradshaw. Il était froid, constamment. Mais il prenait une jouissance extrême à voir sa vengeance réalisée avec succès.
— Toi ... murmura Tom.
Il laissa retomber sa valise et sa cage et sortit brusquement sa baguette de sa robe de sorcier qu'il pointa sur Liam. Mais, avant qu'il ne pu prononcer une seule syllabe du sortilège, le Bradshaw avait déjà sorti la sienne et avait, d'un revers du bras, fait s'envoler la baguette de Tom, qui retomba négligemment à ses pieds.
— Je ne te conseille pas, prévint alors Liam.
Et c'est avec un regard plein de reproches, d'amertume, et le coeur gros, que le Serpentard ramassa sa baguette ainsi que ses paquets, et qu'il quitta définitivement le hall de Poudlard.
* * *
C'est ainsi qu'au fil des années, Liam se construit cette réputation de petit Prince de Serpentard, la relève de son père. Respecté, admiré, sujet de toutes les convoitises autant que les hantises. Plus personne n'osait faire de sales coups au Serpentard, ni se dresser devant lui, par peur des représailles. Et c'est toujours ainsi aujourd'hui.
Depuis ce jour-là, plus personne n'a jamais insulté le nom de Bradshaw en face de Liam. En effet, tous les élèves furent vite au courant de cette histoire, mais personne n'osait le dénoncer aux professeurs à présent. Et ceux qui ont essayé ont bien évidemment échoué ... Et d'ailleurs, il ne vaut mieux pas que quelqu'un réessaye. De toute façon, les gens ont trop peur de ce qui pourrait leur arriver. Plus jamais quelqu'un ne l'a traité de " sale petit Bradshaw pourri-gâté qui ne vaut rien, tout comme sa famille et son père " depuis Annie McLog. Plus personne.
Et d'ailleurs, cette élève de Poufsouffle a vécu une terrible année suite à ça, remplie de malheurs et d'échecs. Elle du quitter l'école de sorcellerie Poudlard l'année suivante, à bout.